LE DIAGNOSTIC, un long chemin. Entre croyances et réalité.

Publié le 22 janvier 2025 à 16:56

Article de Bénédicte GRONNIER, psychanalyste à Perpignan - Tous droits réservés

En premier lieu, il est important de préciser que la question de l’importance du diagnostic ne se pose que du point de vue de la santé mentale. En médecine, la question ne se pose pas, car il a pour objectif d’identifier dans le but de guérir le patient. En santé mentale, la notion de guérison n’est pas viable. Les différents professionnels du secteur peuvent prendre en charge, stabiliser un symptôme ou prendre soin d’un patient, mais ne feront pas disparaître un TSA, ne guériront pas un schizophrène et un psychotique ne deviendra pas névrotique. L'intérêt du diagnostic en santé mentale est donc principalement d’expliquer, de travailler avec le patient afin d’atténuer les difficultés rencontrées par ce dernier et ses proches dans leur quotidien.

Pourquoi est-ce long d’obtenir un diagnostic ?

La difficulté du diagnostic en santé mentale est qu’il se fonde sur des entretiens cliniques et non sur des examens scientifiquesL’humain est au cœur du diagnostic. De plus, un symptôme peut se retrouver dans plusieurs classifications psy. Il n’est donc pas possible de dire qu‘un item serait caractéristique d’un trouble. Le patient va donc être confronté à la longueur du diagnostic, ¨Plusieurs mois sont parfois nécessaires. Ce qui peut amener un découragement, une désillusion et la sensation que rien ne se passe. Cependant, il est parfois plus judicieux de ne pas poser de diagnostic de suite. J’irai même un peu plus loin en émettant l'idée qu’il est presque suffisant, dans un premier temps, de diagnostiquer des symptômes et de les prendre en charge.

En santé mentale, le temps n’est pas votre ennemi, il est votre allié.

Certains diagnostics ne se font qu’avec le temps. Prendre son temps, c’est aussi regarder, écouter le symptôme et prendre le recul nécessaire pour une meilleure analyse. Il permet de ne pas poser de diagnostic erroné qui pourrait épuiser et altérer la confiance que le patient a envers les professionnels du soin. Cette attente peut générer une frustration et un sentiment d’errance qui peuvent induire de l'incompréhension et de la méfiance envers les soignants.

Ce sentiment de solitude peut également amener le patient à chercher par lui-même les raisons de son mal-être. Sur les réseaux sociaux, on peut trouver des patients-experts qui connaissent leur pathologie et qui communiquent dessus. Les patients qui sont devenus experts ont connu bien souvent un long parcours et témoignent du chemin parcouru. Le témoignage et le soutien de pairs sont importants. C’est un excellent soutien et support quand on a reçu les clefs de son mal être.

La difficulté principale est qu’il se peut que le patient s’identifie sur les réseaux sociaux à un trouble ou une pathologie qui ressemble, mais qui n’est pas la sienne. Principalement dû au diagnostic différentiel et à l’effet Barnum*

Pourquoi le diagnostic prend-il une place aussi importante en santé mentale?

Le patient attend de ne plus ressentir la souffrance. Il veut comprendre. Il veut pouvoir retrouver un équilibre et très souvent sa place dans la société que sa souffrance lui a enlevée. Le diagnostic est au centre de la légitimation, de l’attente d’être validé par un professionnel et surtout s'autorise à parler de sa souffrance…Derrière cette recherche de sens se cache une validation, une reconnaissance. Reconnaissance de ses difficultés d’abord et reconnaissance de l’autre également. Une identification à un groupe dans une société où l’individuel prend de plus en plus de place. Être TSA, TDAH, borderline…. c’est aussi trouver une famille, une famille qui nous comprendra. Mais après le diagnostic, que se passe-t-il pour le patient ?

Pourquoi une thérapie ?

Après une longue attente, vous avez un diagnostic. Et après ? Va s'en suivre un moment où vous aurez l’impression de mieux comprendre d’où viennent vos difficultés. Et pourtant, après une période de lune de miel où tout vous semblera limpide, vos difficultés reviendront à la charge. Le diagnostic n’est que le début d’un long chemin.

La thérapie est un élément essentiel après un diagnostic psychologique pour plusieurs raisons. Tout d'abord, un diagnostic peut souvent être un moment de révélation et de compréhension. Il permet à la personne de mettre des mots sur ses expériences et ses émotions, ce qui peut être un soulagement en soi. Cependant, comprendre un diagnostic ne suffit pas toujours à surmonter les difficultés qu'il implique.

Le cadre thérapeutique est un lieu sécurisant où l’on peut travailler sur les impacts du diagnostic sur sa vie quotidienne. Avec l’analyse, il est possible d’apprendre des stratégies pour gérer les symptômes, de développer des compétences pour gérer le quotidien et de renforcer la résilience.

Les enjeux de la thérapie

Il vous faudra déconstruire l’idée que :

  • Le diagnostic vous valide et légitime vos souffrances auprès de votre entourage.

  • Que votre entourage s'adapte et change son regard pour vous faciliter votre quotidien.

  • Le diagnostic permet une prise en charge automatique.

  • Le diagnostic définit la personne que vous êtes. Vous avez un trouble certes, mais vous n’êtes pas ce trouble dans votre entièreté. Vos difficultés ne peuvent se manifester que dans certaines circonstances. J’ai, donc je suis !

Et apprendre, 

  • Comment se manifestent vos difficultés

  • Si vos symptômes peuvent avoir également une autre source

  • Vos forces et vos faiblesses, pour définir vos limites.

  • Vivre le plus sereinement et retrouver une confiance et une estime de soi dans un parcours difficile et long.

La thérapie offre également un espace durant le parcours du diagnostic pour décharger. Elle permet un accompagnement pluridisciplinaire et offre un espace plus large aux patients.

B.G

*L'effet Barnum est un biais cognitifqui conduit un individu à considérer une description générale comme s'appliquant à lui